Sophie
n'a pas le temps d'achever sa phrase que Camille flanche et tombe
dans ses bras..
« Bébé!!
Bébé!!....Camille! Mais qu'est-ce-que...Chérie? »
Il
ne faut pas longtemps à Sophie pour comprendre que quelque chose de
grave est en train de se produire sous ses yeux. Le délire soudain
de Camille, le mal de crâne, le non sens de ses phrases, et à
présent, le filet de sang qui s'échappe par son oreille, Sophie
percute et compose le 18 après avoir mis sa compagne en position
latérale de sécurité.
Quelques
minutes plus tard, qui paraissent une éternité, un véhicule de
secours et d'assistance aux victimes arrive sirènes hurlantes au
domicile du couple. Le chef d'agrée, suivi des son équipe entre
dans la vaste demeure et part à la rencontre de Sophie qu'il trouve
au chevet d'une Camille inconsciente. Avant que le gradé ne se
penche pour faire son bilan, Sophie intervient:
« Inconsciente
depuis dix minutes, je soupçonne un trauma cranien après un coup
violent porté à la tête. Le pouls est rapide et bien frappé.
Fréquence ventilatoire normale pour l'instant. Mettez la sous
oxygène, 5l/mn .Faites vite messieurs s'il vous plaît. Je vous
accompagne, je suis médecin ».
Le
véhicule sanitaire démarre et s'engage dans l'allée gravillonnée
de la propriété, avec pour seul témoin, le reflet bleu du
gyrophare qui déchire la nuit, un bleu triste et froid,
glacial.
Sous ses yeux, sa moitié,
l'amour de sa vie, sa femme gît, inconsciente, une épée de
Damoclès au dessus de sa tête. Les secondes s'écoulent comme des
heures, putain, il a disparu l'hôpital ou quoi? Elle fait le trajet
tous les jours mais jamais il ne lui a paru aussi long. Le médecin
du SMUR et ami, Thierry est à ses côtés. Rejoint en chemin par la
voiture de service, le praticien, grave mais très professionnel,
surveille l'évolution de l'état de Camille. Il n'y a rien d'autre à
faire de toute façon.
Dans la salle
d'attente, où ses collègues l'ont gentiment priée de rester,
Sophie fait les cent pas. Jamais elle n'avait pensé qu'un jour, elle
vivrait ce que des centaines de familles et proches ont vécu avant
elle à cet endroit: la peur, l'angoisse, les questions..Ca a été
si soudain et pas le moindre symptôme..Un avc, c'est un avc, ou un
trauma, le choc qu'elle a reçu au crâne? Ah, c'est
insoutenable..attendre..les doutes..le film des événements..encore
les questions et la peur, cette putain de peur qui tenaille le
ventre, celle qui prend les tripes et fait réaliser que l'on peut
perdre l'être que l'on aime le plus au monde d'un simple claquement
de doigts..
« Sophie?....Sophie?Adeline...
-
Elle vit...
- Trauma?
-
Rupture d'anévrisme. Ca n'a rien à voir avec le coup qu'elle a pris
à la tête. Il n'a pas été assez violent pour entraîner une
fracture crânienne, encore moins l'éclatement de l'anévrisme. Ca
devait arriver, c'est tout.
- Y'a
plus qu'à attendre donc..
- Elle a
eu énormément de chance, l'anévrisme est dans la région temporale
droite mais accessible.
- Et si elle
survit, qui va la cliper vendredi?
-
Bertrand..
- S'il te plait, dis moi
qu'elle va s'en sortir, j'en ai besoin..
-
Sophie, j'aimerais pouvoir te le dire..Tu sais aussi bien que moi de
quoi il en retourne. Elle est forte, jeune, dynamique, accrochée à
toi et à la vie..C'est un atout. Maintenant, il faut laisser les
choses se faire. Je connais ce sentiment d'impuissance, crois-moi...
Tu peux aller la voir si tu veux, elle est en salle 3.
-
Merci. »
Sophie entre
dans la pièce blanche, froide, impersonnelle. Sur le lit planté au
milieu de la chambre, gît sa compagne. Reliée à plusieurs
appareils de surveillance, Camille lutte en silence pour sa survie.
Le bip du scope est lent et régulier. Le soufflet du respirateur
artificiel monte et descend à un rythme de métronome. Elle
s'approche lentement du lit comme si elle avait peur de troubler son
sommeil et, tendrement, se saisit de la main de Camille avant de la
caresser et de l'embrasser.
« Me
laisse pas bébé, accroche toi, j'ai besoin de toi..Je t'aime.. »
« T'as
presque rien avalé ma chérie.je sais Bridget, mais j'peux pas
là..
- Je sais bébé...T'inquiète,
tout ira bien..
- je l'espère, ça
va être encore galère à trouver du boulot sinon et là, ça tombe
mal, j'ai plein de crédits sur le dos..
- Je
t'aiderai s'il le faut..Mais pour le moment, rien n'est arrivé, ok ?
Allez, viens, je te fais un café..
- Non,
pas cette tasse, c'est celle de Camille, prends l'autre à coté
-
Ok...Napolitain? Italien, normal ou rallongé
?
- Le plus fort possible..Besoin
d'une décharge électrique là...Je me sens complètement amorphe.
-
Oki, assied toi..C'est prêt dans une
minute. »
-Brigitte, ou
Brigdet la petite amie de Pauline depuis peu, manipule avec art le
percolateur sans âge que Camille a dégoté dans un marché aux
puces lors d'une sortie dominicale avec Sophie. Il n'y en a pas deux
pareilles dans le coin et elle est fière de pouvoir offrir à ses
patients, de vrais cafés italiens. Cette machine fait aussi le
bonheur de Brigitte qui ne jure que pas le bon café, aux arômes
bien sentis, ceux dont l'odeur enivre les narines et chavire les
papilles. Elle prépare en deux temps, trois mouvements une tasse du
précieux liquide et le tend amoureusement à sa compagne . Une
mousse épaisse onctueuse laisse passer lentement le sucre jusqu'au
délicieux breuvage que Pauline porte à ses lèvres. Bridget
s'installe sur le bureau de la secrétaire et s'approche d'elle ,
jouant des jambes pour faire glisser le fauteuil à roulettes jusqu'à
elle. Voyant la mine grave et déconfite de Pauline, elle se lève
lentement et l'enserre tendrement dans ses bras. Elle prend de ses
mains la tasse vide et dépose un baiser sur ses cheveux soyeux avant
de l'inviter à déposer sa tête contre son buste. Elle caresse
doucement sa joue et joue délicatement avec ses mèches de feu dont
elle hume le délicieux parfum. Pauline lève sa tête et cherche du
regard sur le visage de sa compagne un peu de consolation. Bridget
répond à son appel en déposant sur sa bouche au goût de café, un
baiser affectueux et apaisant. Pauline s'accroche aux lèvres de sa
compagne et lui rend un baiser sulfureux. Elle dévore littéralement
sa bouche en se collant de tout son corps contre le sien et en se
serrant très fort contre elle. Bridget sent contre elle un corps
frémissant, un appel à la tendresse et y répond dans un même
élan. La frénésie de Pauline la surprend agréablement et elle
s'abandonne dans le tourbillon violent de ses baisers sulfureux. Les
deux femmes s'étourdissent de caresses, s'embrassent, des mains
courent, disparaissent sous les tissus pour réapparaître et
disparaître à nouveau. Un plaisir et une envie indicibles
envahissent les deux femmes qui se déshabillent à tout va au milieu
du bureau de Pauline. Le cadre, l'endroit, les circonstances
s'effacent désormais, le plaisir devient roi.
Bridget
et Pauline fusionnent, tournoient, s'embrassent, se bousculent
doucement. Le tempo s'accélère et, comme prises dans une valse, les
deux amantes continuent de tournoyer, scotchées l'une à l'autre,
faisant fi des meubles et objets divers qui se trouvent dans la pièce
et auxquels elles se heurtent dans leur élan amour. Le tableau de la
paroi voisine en fait les frais, le fauteuil à roulettes part
valdingue jusqu'à la porte fenêtre.. Les fringues éparpillés
partout dans le bureau, les jeunes femmes se retrouvent en
sous-vêtements. Noir et dentelles pour Bridget et rouge pour la
rousse Pauline. Les deux femmes stoppent net leur étreinte et, sous
leur tignasse ébouriffée, haletantes, deux paires d'yeux se défient
du regard. Laquelle réussira à dominer l'autre cette fois-ci
?
Pauline telle une walkyrie se jette
sur sa compagne et finit par arracher les derniers bastions de tissus
de son corps avant de plonger directement sa main entre ses cuisses
et de découvrir un sexe trempé et excité. Mais Bridget la plaque
contre la paroi attenante au cabinet de Camille et maintient
fermement ses poignets au dessus de sa tête avant de lui rendre la
pareille, pétrissant allègrement les chairs molles et chaudes de
son antre non moins trempée. Pauline, envahie par une vague de
plaisir que lui procure cette caresse, fait semblant de résister un
instant et s'abandonne aux mains expertes de Bridget qui la fouille
sans retenue. La pulpeuse rousse, les jambes flageolantes se laisse
aller, glissant lentement le long du mur pastel, ouvrant d'avantage
le centre de son plaisir aux doigts gourmands de sa compagne qui la
pénètrent ensuite sans façon. Un petit cri s'échappe de sa gorge,
ses hanches se marient au rythme des vas et vient qui l'assaillent.
Pauline, adossée au mur, fond littéralement et finit par s'asseoir,
à même le sol où Bridget la rejoint avant de venir livrer la
bataille finale entre ses cuisses, armée d'une langue assoiffée de
son suc intime. Offerte, elle subit délicieusement la bouche de sa
compagne dont la tête s'affaire sans relâche entres ses cuisses
grandes ouvertes. Il ne lui faut pas longtemps pour qu'un immense raz
de marée déferle sur son corps en feu et la mette en transe au
grand bonheur de Bridget.
Sophie,
grave, entre dans la chambre où gît l'amour de sa vie. Camille,
semble dormir profondément mais le bruit de l'assistant respiratoire
rappelle le combat qu'elle mène en silence contre la faucheuse. Elle
contrôle les scopes, le rythme cardiaque, la fréquence et
l'amplitude respiratoire avant de se rapprocher de Camille, de
caresser son épaisse chevelure noire et de s'adresser à elle. Dans
sa voix, des trémolo et une tendresse infinie, et presque une
supplique malgré l'ironie.
« Ma
chérie, il va falloir que tu songes à te réveiller mon cœur. Tu
trouves pas que tu as assez dormi ? Tout le monde t'attend ici ! Moi,
ta famille, la mienne, tes patients, ta secrétaire, la maison et
même le crocodile ! Pauline a pris les choses en main pour ton
cabinet, elle s'occupe de tout, sauf de tes patients, donc, tu sais
ce qu'il te reste à faire bébé..Allez hop chérie...
-J'ai
besoin de toi mon amour, reveille toi mon cœur.....
La
porte s'ouvre et laisse entrer Bertrand, le neurochirurgien, et l'ami
du couple.
« Bonjour
SophieSalut Bertrand...
-Ca va ? Tu
tiens le coup ?
-Pas le choix, mais
je vais bien, je te remercie, et toi ? Pas trop débordé ?
-Non,
ça va merci.... Tu sais, elle est forte.
-Ca
fait trois jours qu'elle est ainsi, et pas d'amélioration.
-En
fait, l'hémorragie s'est résorbée et ça, c'est plutôt bon signe.
. Reste plus qu'à savoir si son cerveau a subi des séquelles, et
ça, on ne le saura que quand elle se réveillera. Son EEG montre une
activité cérébrale encourageante, mais tu sais aussi bien que moi
qu'on ne saura pas fixés avant qu'elle revienne à elle. Je la
clippe demain à 7h.
- Je serai là,
enfin si tu me le permets Bertrand.
- Pas
de souci ma belle..Tu ferais mieux d'aller dormir un peu..
-
Je passe la nuit ici.
- Encore
une nuit sur ce fauteuil inconfortable ? Il te faut un bon lit ..et
je te rappelle que tu as un lit de garde un étage en dessous.
Sophie, tu dois dormir et c'est pas en restant là que tu vas y
arriver. Je te connais, tu vas la veiller encore toute la nuit. 3
nuits sans dormir, tu t'es noyée dans le boulot et tu ressembles à
un zombie. En plus, je suis sûr que tu as rien avalé..C'est pas
une, mais deux patientes que je vais avoir .
- Si,
une pomme ce midi..
- Super, et tu
crois que tu vas tenir avec ça ? » Petit sourire de Sophie,
regard d'un enfant pris à défaut.
« Ok,
t'as raison, je vais voir ce que je trouve à grignoter dans la salle
de garde et je fille en dessous..Tu es de garde cette nuit ?
-
Oui, je viens à peine d'arriver. Et je te
rappelle que je suis au bloc demain à 7 h pour ta petite femme.
Allez, file, tu ne tiens plus debout...
- Ok,
merci Bertrand »
Sophie
s'approche de son ami qui la prend dans ses bras et la réconforte.
Il caresse ses beaux cheveux blonds qu'elle a retenus en chignon et
dépose un baiser sur sa tête
« Allez,
ma belle...pleure un bon coup, ça te fera du bien. Elle est tirée
d'affaire..Oui, mais dans quel état va-t-elle me revenir ? Les
chances de récupération totales sont si infimes..
- Hey,
elle vit..
- Je l'aime tant..elle est
tout pour moi.
- Ca, je le sais ma
chérie..Aie confiance en la vie..aie confiance »
Sophie
et Bertrand quittent la chambre et glissent dans les couloirs calmes
du service de neurologie de l'établissement. Jamais ces couloirs
n'ont jamais paru aussi tristes et froids à Sophie. Une infirmière
de garde les croise furtivement en les saluant et se dirige dans une
chambre voisine à celle de Camille suite à l'appel d'un malade. Ses
chaussures à talon de gomme crissent sur le linoléum impeccable. Le
téléphone de l'accueil du service sonne, une femme opulente de
couleur répond, un sourire éclatant aux lèvres au passage du
professeur et de Sophie qui lui répondent d'un signe tout aussi
amical.
Ils arrivent enfin à
l'ascenseur et Bertrand presse le bouton d'appel. Son regard croise
celui de Sophie qui y cherche encore un soupçon de réconfort. Le
neurochirurgien l'embrasse tendrement sur le front et la serre contre
lui.
« Aie confiance
Sophie,J'ai confiance en toi Bertrand. Mais moins à ce qui peut
arriver.
- On sera bientôt
fixés..Allez, il est encore temps d'aller te chercher un morceau à
la caf de l'hôpital..Je dois continuer mes visites et voir leurs
familles avant qu'elles partent.
- Ok,
à plus
- Ciao bella »
Sophie
entre d'un pas lourd dans l'ascenseur, la tête hantée de souvenirs
heureux, croustillants, inoubliables. Viennent à elle des images de
fous rires, de douces moqueries, d'anecdotes. Elle s'évade dans ce
passé où elle et Camille ont vécu des instants gravés à jamais
dans sa mémoire. Un doux sourire illumine un court instant son
visage et fait pétiller ses yeux tristes : La cabine d'essayage, la
farce de leur amie restauratrice, la signature de l'acte définitif
chez le notaire et le pied baladeur de Camille, puis, la poursuite du
rôdeur dans le jardin de leur villa, les mots incompréhensibles et
puis..et puis...Dur retour à la réalité. L'amour de sa vie, son
amie, sa compagne, sa maîtresse, sa femme, gît dans cette chambre
triste et blafarde dans l'attente d'un retour incertain à la vie.
Aspirée dans ses pensées, elle manque de laisser les portes de
l'ascenseur se refermer alors qu'elle est arrivée à destination.
Adeline l'aperçoit au loin et l'invite à la rejoindre.
« Ca
va Sophie ?
-Je te remercie, oui, ça va.
-Joins
toi à moi. Tu veux quoi ? Assieds toi, dis moi...., je vais te le
chercher.
-N'importe quoi, ça n'a
aucune espèce d'importance. Choisis pour moi. J'ai pas faim de toute
façon.
-Ah non hein, t'as rien avalé
de la journée je parie. Tu dois manger. Camille doit retrouver sa
petite femme en pleine forme.
-Se
rappellera-t-elle seulement de moi à son réveil ? Saura-t-elle qui
elle est ? Se souviendra-t-elle de nous ?
-Chérie,
arrête de penser au pire. Tu sais aussi bien que moi qu'elle peut
recouvrer toutes ses facultés.
-Certes,
mais le pourcentage est si faible.
-Oui,
mais il existe. Tu dois y croire, tu dois croire en la chance et
avoir confiance en la vie... je vais te chercher quelque chose à
grignoter.
-Je me contenterai d'une
salade.
-Ok..Je reviens, j'en ai pour
2 minutes. »
20h55,
alors que les portes d'accès aux visiteurs sont sur le point d'être
closes, une silhouette se glisse furtivement à l'intérieur de
l'établissement hospitalier, déjouant la surveillance du gardien de
nuit occupé à discuter avec un agent de surface s'apprêtant à
l'entretien du sol de l'entrée. Elle se dirige rapidement vers
l'escalier de service dont la porte coupe feu se ferme sans bruit
après son passage. Satisfaite, l'intruse se dirige à l'étage de
neurologie. Elle connaît parfaitement l'endroit pour s'y être
rendue en repérage dans l'après-midi. Pauline, se faufile dans la
salle de détente du personnel et subtilise une blouse à peu près
de sa taille. Il va falloir jouer serrer. S'introduire dans un
hôpital tard le soir n'est pas difficile, mais sa présence dans un
service où le personnel est restreint peut paraître vite suspect.
Elle a dans sa poche son ticket de sortie, un aller simple pour son
nouveau bonheur avec Sophie, un aller sans retour pour Camille. Une
simple bulle d'air dans sa perfusion et le tour est joué. Tout le
monde pensera que Camille n'a pas survécu à son accident vasculaire
cérébral. La chambre de sa future victime n'est plus très loin.
Jusqu'à présent, tout son plan se déroule sans anicroche. Il ne
lui reste plus qu'à espérer que personne ne sera dans la pièce au
moment où elle y pénétrera ou, encore pire, que quelqu'un la
surprenne au moment où elle poussera la bulle dans la perfusion de
Camille. Passant devant le bureau de l'infirmière en chef, elle
entend des éclats de rire qui s'échappent par la porte entrouverte.
Un regard à gauche, un regard à droite, la voie est libre, la
chambre est juste à quelques mètres.
Pauline
ouvre la porte pour la refermer aussitôt. Le temps s'arrête. Elle
observe la malade, inerte, immobile, totalement à sa merci. Camille
respire seule depuis l'après-midi, mais n'a toujours par repris
conscience. Pauline savoure déjà sa victoire, elle observe cette
briseuse de bonheur et s'approche d'elle, lentement, très lentement.
Le regard noir et empli de haine, elle retire de sa poche la seringue
qu'elle s'est procurée et active le piston, aspirant l'air ambiant.
Elle étudie avec soin les tubulures et repère vite une voie
centrale. Sans hésitation aucune, la main sûre, elle engage
l'aiguille dans le cathéter. Un fracas dans le couloir, juste devant
la porte la fait sursauter soudain. Le temps de ranger en catastrophe
son arme dans la poche, la porte s'ouvre. Pauline, cachée tant bien
que mal dans la pénombre, derrière les appareils de contrôle,
reconnaît la silhouette féline de Sophie.
« Attends,
je vais te donner un coup de main.
- Merci Adeline !
-
Non mais quel foutoir ton sac ma belle ! Comment on peut mettre
autant de bordel là-dedans ? Lâche Adeline pour détendre son
amie
- C'est l'hôpital qui se fout
de la charité répond Sophie. Qu'est-ce-que tu fiches ici ?
-
Tu as oublié ton téléphone à la caf chérie.
-
Ah....ffff, merci.
- Tu crois pas que
tu devrais rentrer et dormir ? Elle est tirée d'affaire, son système
neurovégétatif est intact, elle ne risque plus rien. Tu dois
rentrer te reposer.
- Non, je veux
rester ici au cas où elle se réveillerait. Tu sais, je comprends la
douleur et l'inquiétude de tous ces gens qui sont dans l'attente et
l'espoir. Je sais à présent ce qu'ils ressentent puisque je le vis.
Non, je veux rester.
- Je sais
chérie, et moi, ça me fait du mal de te voir dépérir ainsi. Tu
dois prendre soin de toi. Tu seras tout à loisir d'être avec elle.
N'oublie pas que tu bosses tôt demain matin Sophie.
-
Je le sais, mais la nuit s'avance et je serai déjà sur place
-
Comme tête de mule, on ne fait pas mieux...Mais va, je te
comprends.
- Elle est tout ce que
j'ai Adeline. Mon métier, le fric, tout le reste n'a plus aucune
importance sans elle.
- Je sais..je
sais » répond Adeline en caressant tendrement le visage de son
amie. « Allez, essaie de dormir un peu, on se voit demain »
. Adeline dépose un baiser sur la joue de son amie et se dirige vers
la sortie.
« ah, au fait,
Bertrand me fait te dire qu'il t'a laissé le dossier que tu lui as
demandé sur le desk du secrétariat.
-
Ok, je te remercie, je vais aller le chercher, ça m'occupera un peu
les idées en attendant que le sommeil ne vienne me chercher. Si
toutefois il arrive.
- A demain
-
A demain, bonne nuit, et encore merci »
Sophie
prend la direction de la sortie et n'entend pas le soupir de
soulagement de Pauline toujours tapie dans la pénombre de la pièce.
Elle fouille patiemment son sac à la recherche de son autre
téléphone portable, le professionnel, celui où toutes ses notes en
rapport au dossier sont enregistrées. Elle n'a pas le temps de
mettre en route l'appareil qu'une main puissante l'agrippe à la
gorge et, d'une force incroyable la plaque contre le mur, broyant son
larynx.
« Crève ordure. »
Dans
les yeux de Sophie, l'horreur absolue mais également l'étonnement
lorsqu'elle découvre, par le rai de lumière qui entre par la porte
restée entrouverte, le visage de son agresseur. Elle a chaud, elle
étouffe. L'homme serre tellement fort qu'aucun son ne sort de sa
bouche. Elle sent contre son visage le souffle de la haine. Un rictus
machiavélique sur ses lèvres écumantes, l'homme appuie accentue sa
pression sur la trachée de Sophie dont le souffle commence à
manquer dangereusement. Soudain, un cri, un faciès de douleur.
L'homme lâche son emprise sur Sophie qui glisse le long de la paroi
et s'écroule au sol, main à sa gorge, le souffle court.
« Je
t'interdis de la toucher »
L'homme,
n'a pas le temps de riposter qu'un second coup le frappe au visage,
puis un troisième. Il titube, à moitié étourdi et se retourne sur
son agresseur, hagard.
« Toi
?
- Je t'interdis de la toucher, tu m'entends ? »
Telle
une furie, Pauline se saisit de sa seringue et vient la figer de
toutes ses forces dans l'oeil gauche de Joël Fronsac, l'homme pour
qui elle avait quitté Sophie. Les mains sur son visage, l'homme
s'agenouille sous l'emprise d'une douleur atroce qui déchire son
crâne. Un important filet de sang noir se déverse sur sa chemise
blanche alors qu'il titube et percute le lit où gît Camille.
Pauline, toujours armée du sac lourd de Sophie lui assène un coup
violent derrière la nuque. Joël Fronsac s'effondre entraînant dans
sa chute, la potence qui se fracasse contre le sol.
Sophie,
même si elle déglutit difficilement, récupère peu à peu ses
facultés. Incrédule, elle dévisage la femme rousse qui lui a sauvé
la vie, mais dont la voix rocailleuse à trahi l'identité. Joël
Fronsac reprend péniblement ses esprits. L'oeil horriblement
douloureux et le crâne en proie à des maux insupportables, il
parvient néanmoins à se relever et à tenir sur ses deux jambes. Le
pas hésitant, il se dirige vers la pulpeuse rousse, les mains en
avant, un rictus de haine sur son visage ensanglanté mais trébuche
sur le pied de la potence qu'il a renversée. Les réflexes diminués,
il chute lourdement en avant, le nez percutant violemment le sol,
poussant plus profond encore dans son œil, la seringue qui y était
restée fichée.
Pauline, enfermée
dans sa folie destructrice et dans une haine sans limite pour
Camille, se penche sur le cadavre et récupère la seringue dans
l'espoir fou qu'elle soit en bon état et de finir sa tâche. Voyant
qu'elle est devenue inutilisable, Pauline, rageuse, se jette sur
Camille et se met en quête à arracher une à une ses perfusions.
Son geste meurtrier est stoppé net dans son élan par un bras ferme
et déterminé, celui de Sophie.
« Ne
la touche pas !
- Chérie, mais
qu'est-ce-qu'il te prend ? Laisse-moi faire voyons.
-
J'ai dit ne la touche pas !
- Mais
c'est moi que tu aimes voyons !
-
T'es devenue complètement folle !..
-
Tu me remercieras quand tu comprendras... »
Pauline,
dans un dernier élan d'espoir bouscule violemment Sophie qui va
s'étaler sur le mur opposé avant de se relever courageusement et de
la bousculer alors qu'elle s'apprête à finir sa noire besogne.
La
porte de la chambre s'ouvre bruyamment, claquant contre le mur.
« Qu'est-ce-que... » Après avoir actionné
l'interrupteur, Bertrand, qui venait saluer Sophie, suivi de deux
personnels se précipite à l'intérieur de la pièce, jugeant le
triste spectacle qui s'offre à leurs yeux. Les deux infirmiers se
ruent sur Pauline toujours en proie à sa crise de démence et
finissent par l'immobiliser au bout d'interminables secondes.
Bertrand, de son côté presse le bouton de l'alarme de nuit. Voyant
Sophie consciente, il se précipite alors sur le corps sans vie de
Joël Fronsac. Repérant aussitôt du liquide cérébral s'écouler
par la plaie béante de l'oeil, il comprend qu'il n'y a plus rien à
faire.
« Appelez la
sécurité...Sophie, Sophie, ma chérie, tu n'as rien ?
- Elle a,
elle a voulu tuer Camille..il est arrivé pour me tuer...Ils se sont
battus..
- Chhhhhhhhhhhhhhut..c'est
fini ma puce..c'est fini..Ca va ? Tu n'as rien ?
-
Il a essayé de m'étrangler..et il y serait parvenu si elle avait
pas été là..Elle était déjà là...mon dieu..et si moi j'étais
pas arrivée, elle aurait tué Camille..C'est une histoire de fou !
-
Mais qui sont-ils ?
- Pauline, mon
ex.
- Celle qui...
-
Oui, celle qui..et qui, visiblement comptait me récupérer en
éliminant Camille. Mais comment savait-elle que Camille était ici
? » Puis, s'adressant à Pauline.
-
Comment savais-tu ?
- Je te croyais
plus intelligente que ça chérie !
-….
-
Tu me déçois beaucoup !
- Tu
es...tu es.. C'est toi Mme Brosec. Il ne peut en être autrement.
-
Bravo chérie...Ca t'en bouche un coin hein ? Tu peux être fière
d'avoir une femme fidèle..Puisque la stratégie pour la détourner
de toi et la pousser à la faute n'a pas fonctionné, je me demandais
ce que j'allais bien pouvoir inventer mais la chance a été avec moi
quand Pauline, la secrétaire, pauvre andouille, m'a dit ce qui lui
était arrivé. Je pouvais pas laisser passer une occasion pareille
hein..Mais j'avais pas prévu que cet abruti avait prévu le même
sort, mais pour toi... Comment tu trouves ma transformation chérie ?
Ca te plaît? J'ai fait tout ça pour toi Sophie. Je t'ai sauvé la
vie. Et vois comment tu me remercies..
-Tu
es complètement dingue..Bertrand, sors la d'ici s'il te plaît ou je
vais vomir.
-Ouaip, tiens, tu vas
être exaucée, y'a les flics... »
« Tu
te rends compte ma chérie ? Il voulait me supprimer pour récupérer
Pauline et Pauline voulait te supprimer pour me récupérer moi..Et
tu sais, la police m'a dit que c'est lui qui était chez nous cette
fameuse nuit. En s'enfuyant avec sa mercedes, il a défoncé sa
portière arrière contre le réverbère jouxtant à la propriété.
-
et Mme Brosec ? Enfin, je veux dire Pauline ? Elle m'a bien eue elle
tiens..J'y ai vu que du feu..
- En
taule mais elle va être très certainement reconnue irresponsable de
ses actes, tu t'en doutes.
- C'est
effrayant. J'ai moi même plaidé la folie pendant de nombreux procès
et au vu de ce qui s'est passé pour nous, je préférerais qu'elle
croupisse derrière les barreaux..
-
Quoiqu'il en soit mon cœur, elle ne pourra plus nous nuire...
-
Bon, quand c'est que je rentre à la maison bébé ?
-Tu
es en pleine forme chérie. Bertrand m'a dit que tu pourrais rentrer
d'ici la fin de la semaine.
-
Cool..et le boulot ?
-Ah, là faudra
être un peu plus patiente hein ? Je vais m'occuper de toi, je vais
te bichonner, te dorloter..
-mmmmmmmm,
quel bon programme..
- Je t'aime ma
petite femme d'amour.... »
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